Par Jean-Baptiste-Guillot, Associé et Virginie Molho, Counsel

Avocat mandataire de sportifs vs. agent sportif ?

Une clarification de la législation française[1]  sur le rôle des avocats mandataires de sportifs s’impose aujourd’hui. Face à ce constat, l’Association des Avocats en Droit du Sport (A.A.D.S)  mais aussi l’Association des Avocats Mandataires Sportifs (A.D.A.M.S.) et la  commission des nouveaux métiers de l’Ordre des Avocats de Paris vont soumettre prochainement aux pouvoirs publics, ordres professionnels, instances fédérales et organisations sportives, leurs propositions afin de faire évoluer la réglementation permettant aux avocats de pouvoir continuer à exercer leurs fonctions d’avocats mandataires de sportifs[2] aux côtés des agents sportifs.

Nous sommes d’avis que les métiers d’agent sportif et d’avocat mandataire de sportifs sont différents et complémentaires; les avocats peuvent et doivent travailler aux côtés des agents sportifs. En effet, après ou concomitamment à l'opération d'entremise, activité commerciale qui relève de la mission de l'agent sportif (telle que le placement d’un joueur professionnel de football par exemple dans un club sportif), l’avocat mandataire du sportif assiste le sportif dans la négociation et la conclusion de ses contrats de travail/ de transfert ou d’image.

Or, la Loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées est source d’ambiguïté et demeure interprétée différemment selon les acteurs du monde sportif de telle sorte que, pour certains, les missions d’avocat mandataire de sportifs et d’agents sportifs peuvent se confondre dans certains cas.

La proposition ou le projet de loi pour le sport attendu pour 2020 pourrait être le véhicule législatif qui pourrait clarifier les missions et le rôle de l’avocat mandataire de sportifs. Rappelons que la réglementation des agents à vocation à évoluer par ailleurs au niveau du football international ; en effet, dans la continuité des recommandations relatives aux commissions d'agents et à la limitation des prêts de joueurs, adoptées par la Commission des Acteurs du Football de la Fédération internationale de football association (FIFA) le 25 septembre 2019, la FIFA a publié, le 22 janvier 2020 sur son site internet, un programme de réformes liées à la réglementation des agents.

Dans cette attente, rappelons les règles suivantes qui s’imposent à l’avocat mandataire de sportifs:

  • La Loi du 28 mars 2011 (article 4)[3] a inséré l'article 6 ter à la Loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 qui dispose désormais en son § 1 : « Les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l'une des parties intéressées à la conclusion de l'un des contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 222-7 du Code du Sport».

L'avocat est donc expressément autorisé à être le mandataire d'un joueur, d'un entraîneur ou d'un club sportif, à le représenter et à négocier en son nom en vue de la conclusion « d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement » (article L.222-7 du Code du Sport).

Cette activité est définie comme étant la représentation, en qualité de mandataire et dans le cadre de la réglementation de la profession d’avocat, d’un joueur ou d’un club à l’occasion de la conclusion d'un contrat de travail et/ou de transfert ;

  • Les avocats sont dispensés de détenir une licence d’agent sportif ;
  • Les avocats doivent communiquer les contrats mentionnés au premier alinéa de l'article 222-7 du Code du Sport, ainsi que le contrat de mandat, aux fédérations délégataires ou aux ligues professionnelles;
  • Les fédérations sportives ont l'obligation d'informer le bâtonnier du barreau auquel l'avocat est inscrit si elles constatent que celui-ci a méconnu les obligations relatives au contenu et à la communication de ces contrats et du mandat qu'il a reçu (article L. 222-19-1 du Code du Sport créé par l’article 4 de la Loi du 28 mars 2011) ;
  • Le bâtonnier peut engager des poursuites disciplinaires dans les conditions prévues par les textes régissant la profession d'avocats (article L. 222-19-1 du Code du Sport);
  • Chaque fédération délégataire compétente publie la liste des agents sportifs autorisés à exercer dans sa discipline ainsi que les sanctions prononcées en application de l'article L. 222-19 du Code du Sport à l'encontre des agents, des licenciés et des associations et sociétés affiliées ;
  • Le double mandatement est prohibé ;
  • Le mandat donné à l’avocat mandataire doit préciser le montant de ses honoraires, qui ne peuvent excéder 10 % du montant du contrat signé par le sportif ou l'entraîneur visé à l’article L.222-7 du Code du Sport et ce, comme l'agent sportif licencié  ;
  • Lorsque, pour la conclusion d'un tel contrat, plusieurs avocats interviennent ou un avocat intervient avec le concours d'un agent sportif, le montant total de leur rémunération ne peut excéder 10 % du montant de ce contrat (article 4 de la Loi du 28 mars 2011) ;
  • L'avocat agissant en qualité de mandataire sportif ne peut être rémunéré que par son client (article 4 de la Loi du 28 mars 2011) ;
  • Il est interdit à l'avocat de partager un honoraire quelle qu'en soit la forme avec des personnes physiques ou morales qui ne sont pas avocats (article 21.3.6.1. du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d’avocat) ;
  • Il est interdit à l'avocat d'intervenir comme prête-nom et d'effectuer des opérations de courtage, toute activité à caractère commercial étant incompatible avec l'exercice de la profession (article 6.2. du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d’avocat ;
  • Sauf à titre accessoire, la profession d'avocat est incompatible avec toutes les activités à caractère commercial, qu'elles soient exercées directement ou par personne interposée (article 6.2. du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d’avocat) ;
  • Les avocats mandataires de sportifs restent soumis à l’ensemble des règles déontologiques et principes essentiels de la profession d’avocat à savoir, « dignité, conscience, indépendance, probité et humanité », et aux contrôles disciplinaires de leurs ordres.

Le département droit du sport du Cabinet piloté par Jean-Baptiste Guillot Associé et Virginie Molho Counsel accompagne au quotidien nos clients de l’industrie sportive.

Jean-Baptiste Guillot est membre de l’Association des Avocats en Droit du Sport.

[1] Issues de la Loi n°2015-990 du 6 août 2015, de la Loi n°2011-331 du 28 mars 2011, de la Loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat et enfin du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d’avocat.

[2] Dans le prolongement du Rapport Darrois sur la grande profession du droit, de nouvelles activités ont été ouvertes aux avocats à partir de 2008, telles que celles de l’avocat mandataire de sportifs, l’avocat mandataire en transactions immobilières, l’avocat mandataire d’artistes et d’auteurs et l’avocat fiduciaire

[3] Article 4 de la loi n°2011-331 du 28 mars 2011 :

« I. ― La même loi est ainsi modifiée :


1° Après l'article 6 bis, il est inséré un article 6 ter ainsi rédigé :

« Art. 6 ter. - Les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l'une des parties intéressées à la conclusion de l'un des contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 222-7 du code du sport.


« La méconnaissance par un avocat exerçant l'activité mentionnée au premier alinéa des obligations résultant pour lui du dernier alinéa des articles 10 et 66-5 de la présente loi ainsi que du
deuxième alinéa de l'article L. 222-5 du code du sport est passible des peines prévues au premier alinéa de l'article L. 222-20 du même code. Le montant de l'amende peut être porté au-delà de 30 000 € jusqu'au double des sommes indûment perçues en violation du dernier alinéa de l'article 10 de la présente loi.

« Les infractions aux règles de rémunération mentionnées au premier alinéa de l'article L. 222-5 du code du sport sont punies d'une amende de 7 500 €. » ;


2° L'article 10 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le mandat donné à un avocat pour la conclusion de l'un des contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 222-7 du code du sport, il est précisé le montant de ses honoraires, qui ne peuvent excéder 10 % du montant de ce contrat. Lorsque, pour la conclusion d'un tel contrat, plusieurs avocats interviennent ou un avocat intervient avec le concours d'un agent sportif, le montant total de leur rémunération ne peut excéder 10 % du montant de ce contrat. L'avocat agissant en qualité de mandataire de l'une des parties intéressées à la conclusion d'un tel contrat ne peut être rémunéré que par son client. » ;


3° L'article 66-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article ne fait pas obstacle à l'obligation pour un avocat de communiquer les contrats mentionnés à l'article L. 222-7 du code du sport et le contrat par lequel il est mandaté pour représenter l'une des parties intéressées à la conclusion de l'un de ces contrats aux fédérations sportives délégataires et, le cas échéant, aux ligues professionnelles qu'elles ont constituées, dans les conditions prévues à l'article L. 222-18 du même code. »

 

II. ― Après l'article L. 222-19 du code du sport, il est inséré un article L. 222-19-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 222-19-1. - Lorsque la fédération délégataire compétente constate qu'un avocat, agissant en qualité de mandataire de l'une des parties intéressées à la conclusion d'un des contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 222-7, a méconnu les obligations relatives au contenu et à la communication de ces contrats ainsi que du mandat qu'il a reçu, elle en informe le bâtonnier du barreau auquel l'avocat est inscrit qui apprécie la nécessité d'engager des poursuites disciplinaires dans les conditions prévues par les textes qui régissent la profession d'avocat. »

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Jean-Baptiste Guillot

Associé

Jean-Baptiste Guillot intervient en fusions-acquisitions, alliances stratégiques, droit commercial, droit des sociétés et des contrats, dans le cadre d'opérations le plus souvent internationales impliquant en particulier des entreprises canadiennes, britanniques et françaises.

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Virginie Molho

Counsel

Virginie a acquis une solide expertise dans le droit du sport lui permettant d’accompagner les acteurs de l’industrie sportive dans tout type de problématiques juridiques en droit commercial, droit des sociétés, droit des associations et droit social appliqués au sport.