Par Virginie Molho, Counsel
Le 29 mars 2023, la Cour de Cassation juge que l’avocat ne peut, tant à titre principal qu’à titre accessoire, exercer l’activité d’agent sportif …
Rappelons que l’article 6 ter alinéa 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 créé par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées dispose que « Les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l'une des parties intéressées à la conclusion de l'un des contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 222-7* du Code du Sport. »
Le 2 juin 2020, le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris avait modifié son règlement intérieur, en créant un article P.6.3.0.3 stipulant :
« L’avocat peut, en qualité de mandataire sportif, exercer l’activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement.
L’avocat agissant en qualité de mandataire sportif ne peut être rémunéré que par son client. Cette activité doit donner lieu à une convention écrite qui peut, le cas échéant, stipuler que le joueur donne mandat au club sportif de verser en son nom et pour son compte à l’avocat, les honoraires correspondant à sa mission ».
Le 10 juillet 2020, le procureur général près la Cour d'appel de Paris avait formé un recours en annulation contre la délibération du Conseil de l'Ordre du Barreau de Paris ayant adopté le nouvel article P.6.3.0.3.
Cette délibération avait été vivement critiquée par les agents sportifs, la Fédération française de football mais aussi par le Comité national olympique et sportif français, la Fédération française de rugby et l'association Union des agents sportifs du football, lesquels sont intervenus volontairement à l'instance, à titre accessoire, au soutien du recours en annulation formé par le procureur général.
Dans un arrêt en date du 14 octobre 2021, la Cour d’appel de Paris avait annulé la disposition attaquée insistant principalement sur le fait que l’activité de mise en relation constituait une activité de courtage, par nature commerciale, qui ne peut être exercée par un avocat qu’à titre accessoire à son activité principale de conseil, d’assistance et de représentation.
Contestant cet arrêt, le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris et l’Association des avocats mandataires sportifs avaient chacun formé un pourvoi en cassation.
Dans l’arrêt rendu le 29 mars 2023, la première chambre civile de la Cour de Cassation rejette les pourvois formés par le Conseil de l’ordre des Avocats au Barreau de Paris et l’Association des avocats Mandataires Sportifs contra l’arrêt rendu le 14 octobre 2021 par la Cour d’appel de Paris.
La Cour de Cassation affirme que l'avocat ne peut, tant à titre principal qu'à titre accessoire, exercer l'activité d'agent sportif. La Cour de Cassation confirme la position de la Cour d'appel de Paris, selon laquelle seule une personne physique détentrice d’une licence d’agent sportif peut mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, tandis que l'avocat a pour attribution de représenter les intérêts d'une des parties à ce contrat, et que l'avocat ne peut être rémunéré par un club qui est le cocontractant de son client.
Aussi, la Haute juridiction considère que la Cour d’appel de Paris en a exactement déduit que l'article P.6.3.0.3. devait être annulé en son alinéa 1er , qui n'était pas compatible avec l'exercice de la profession d'avocat, ainsi qu'en son alinéa 2, qui était source de conflits d'intérêts et contraire à la loi.
De notre côté, nous regrettons que la Cour de Cassation ait rejeté les pourvois du Conseil de l’ordre des Avocats au Barreau de Paris et celui de l’Association des avocats Mandataires Sportifs. En effet, nous sommes d’avis que l’objectif du législateur en 2011 était de moraliser le secteur sportif et d’offrir aux sportifs le choix d’opter pour les services d’un agent et/ou d’un avocat mandataire sportif. De plus, les métiers d’agent sportif et d’avocat mandataire sportif sont plus complémentaires que concurrents et ils peuvent cohabiter. Enfin, l’avocat mandataire sportif étant obligatoirement soumis à ses règles déontologiques (confidentialité, d’indépendance, de confidentialité et de probité) mais aussi à la réglementation spécifique prévue par le Code du sport notamment en matière d’encadrement des honoraires prévus par l’article L222-7 du Code du Sport, son recours offre de nombreuses garanties aux acteurs du milieu sportif.
Virginie Molho
Counsel
Virginie a acquis une solide expertise dans le droit du sport lui permettant d’accompagner les acteurs de l’industrie sportive dans tout type de problématiques juridiques en droit commercial, droit des sociétés, droit des associations et droit social appliqués au sport.