Par Pierre Mudet, Avocat associé

En bref

Si la pandémie actuelle semble instinctivement constituer un cas de force majeure, juridiquement les choses sont moins évidentes.

Chaque situation contractuelle doit être analysée avec précision afin de déterminer si la crise sanitaire actuelle est de nature à libérer,temporairement ou définitivement, des engagements pris.

Plusieurs questions peuvent guider cette analyse :

  • à quelle date mon contrat a-t-il été conclu ?
  • mon obligation est-elle de nature monétaire ?
  • un plan B est-il envisageable pour m’exécuter ?
  • l’exécution est-elle totalement impossible ou simplement plus onéreuse ?

Une seule mauvaise réponse remet en cause la qualification de force majeure…

L’appréciation de la situation actuelle est essentielle pour toute entreprise placée dans l’impossibilité d’honorer ses engagements et celle à laquelle on opposera la force majeure.

Dans ce contexte troublé, les questions sont nombreuses :

Le Covid-19 constitue-t-il un cas de force majeure ? Les mesures prises pour y remédier ont-elles un impact sur la qualification juridique de la pandémie ? Quels contrats sont concernés ? Une obligation de paiement peut-elle être suspendue pour cause de force majeure ? Puis-je m’exécuter partiellement ?Opposer la force majeure, est-ce un pari risqué ?

Depuis l’apparition du Covid-19 dans certaines régions de Chine et son extension en début d’année à plusieurs agglomérations du pays, la situation s’est emballée. Le Coronavirus concerne désormais la quasi-totalité du globe.

Pour endiguer sa propagation, les pays touchés ont pris, dans l’urgence, plusieurs séries de mesures.

En France, l’intervention du Premier ministre le 14 mars dernier a marqué le point de départ d’un nombre considérable de décisions dont la liste s’allonge de jour en jour. Trois décisions parmi les plus importantes sont prises par l’exécutif entre le 14 et le 16 mars :

  • arrêté du 14 mars 2020 : fermeture des lieux accueillant du public non indispensables à la vie de la Nation
  • arrêté du 15 mars 2020 : extension de l’arrêté de fermeture aux magasins de vente et fixation des activités dérogatoires pouvant continuer à recevoir du public
  • décret du 16 mars 2020 : restrictions des déplacements concernant la lutte contre la propagation du virus Covid-19

L’objectif est louable mais les conséquences sur l’économie risquent d’être lourdes.

L’une des questions clés est celle de savoir quelles entreprises devront supporter financièrement les conséquences de ces mesures.

Le Ministre de l’économie et des finances, Bruno Lemaire, a apporté un début de réponse lors sa déclaration du 28 février dernier : « L’État considère le coronavirus comme un cas de force majeure pour les entreprises »1. Plus récemment, le ministre a également appelé « tous les grands donneurs d'ordre de faire preuve de solidarité vis-à-vis de leurs fournisseurs ainsi que de leurs sous-traitants et de considérer eux aussi le coronavirus comme un cas de force majeure dans l'exécution des contrats pour les marchés privés »2.

Mécanisme juridique séculaire, la notion de force majeure revient avec force dans les circonstances actuelles et s’impose comme l’un des outils juridiques adapté à la situation.

Le Covid-19 constitue-t-il un cas de force majeure ?

La qualification de la situation actuelle comme un événement caractérisant un cas de force majeure sera essentielle pour les entreprises placées dans l’impossibilité d’honorer leurs engagements et celles auxquelles on opposera la force majeure.

Par sa nature, son ampleur et sa gravité, la pandémie actuelle semble à première vue constituer un cas de force majeure. Instinctivement, admettre l’inverse reviendrait même à remettre en cause cette notion : si l’apparition du Covid-19 ne caractérise pas un cas de force majeure alors cette notion ne saurait exister.

Qu’en est-il réellement ?

La force majeure est un cas d'exonération de la responsabilité qui libère, temporairement ou définitivement, un débiteur de ses obligations.

Consacrée légalement en 2016, il y a force majeure « lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur » 3.

Les tribunaux seront demain amenés à apprécier la pandémie de Covid-19 sur la base de ce texte aux termes duquel est un cas de force majeure, un évènement qui :

  • échappe au contrôle du débiteur ; c’est-à-dire entre ou non dans sa sphère de contrôle 4. La question posée par le texte est celle du pouvoir du débiteur sur l’événement et, en creux, son pouvoir de l’empêcher. Autrement dit, l’événement caractérisant la force majeure doit être incontrôlable par le débiteur qui l’invoque
  • ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat ; c’est-à-dire imprévisible. L’événement caractérisant la force majeure ne doit pas pouvoir, au moment de la conclusion du contrat, être raisonnablement envisagé au regard d’un standard moyen d’appréciation
  • dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées et qui empêche l'exécution de son obligation par le débiteur ; c’est-à-dire irrésistible. L’événement doit ainsi être inévitable, aucune mesure appropriée ne permet de l’éviter, et insurmontable, ses effets rendent matériellement impossible toute exécution

L’idée est celle d’un événement contre lequel on ne peut rien : je ne peux ni l’affronter, ni le contourner

Écartons d’emblée le caractère incontrôlable qui ne soulèvera pas question, la crise actuelle sera appréciée, pour chaque situation contractuelle donnée, à l’aune des critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité.

Imprévisibilité

Il semble a priori évident que la pandémie actuelle ne pouvait être prévue il y a encore quelques mois. Le critère d’imprévisibilité étant apprécié au jour de la conclusion du contrat, seuls les engagements pris antérieurement à l’apparition du coronavirus sont susceptibles de satisfaire ce critère.

Déterminer le moment à partir duquel la connaissance de l’actuelle pandémie exclut le caractère imprévisible de la force majeure est alors essentiel : communiqué de l’OMS, décisions des pouvoirs publics ou simples coupures de presses relayant la situation ?

Une décision de la Cour d’appel de Besançon rendue lors de l’épidémie de grippe H1N1 apporte un éclairage intéressant : « Il convient de rappeler, en droit, que le cas de force majeure s'entend d'un événement imprévisible, irrésistible et insurmontable qui rend l'exécution de l'obligation impossible. Tel n'est pas le cas de l'épidémie de grippe H1N1 qui a été largement annoncée et prévue, avant même la mise en œuvre de la réglementation sanitaire derrière laquelle la [société concernée] tente de se retrancher » (CA Besançon, 8 Janvier 2014 – n° 12/02291).

Cet arrêt doit être rapproché du principe de bonne foi qui fonde le droit des contrats et en vertu duquel les parties doivent, dans la mesure du possible, anticiper les risques prévisibles de nature à empêcher ou restreindre l’exécution de leurs engagements. La seule connaissance du risque, même éventuel, ferait donc obstacle à toute caractérisation de la force majeure. 

La diffusion par les médias de l’apparition de l’épidémie marque ainsi le moment à partir duquel cet événement devient prévisible, peu important la position officielle des autorités publiques. 

Pour le Covid-19, il est raisonnable de penser qu’en France, la date à partir de laquelle l’actuelle pandémie est devenue prévisible n’est pas celle des premières décisions gouvernementales des 14 et 15 mars, ni celle des déclarations du Ministre de l’économie et des finances du 28 février mais celle de la communication de l’OMS du 30 janvier dernier reconnaissant officiellement l’épidémie de coronavirus.

Autrement dit, l’actuelle pandémie est susceptible de constituer un cas de force majeure pour les seuls contrats soumis au droit français et conclus avant le 30 janvier 2020. Passée cette date, le caractère prévisible de l’épidémie de Covid-19 devrait faire obstacle à la reconnaissance de toute exonération de la responsabilité au titre de la force majeure.

La force majeure constitue donc une arme juridique temporaire dans un contexte aux conséquences économiques lourdes qui s’inscrivent dans la durée.

Au-delà, l’évolution de la jurisprudence conduit à s’interroger sur l’applicabilité de la notion de force majeure dans les relations commerciales avec l’Asie, plus particulièrement la Chine. Le caractère prévisible du risque de pandémie lui-même ne peut plus être exclu. Sans remonter aux années 60 (grippe asiatique – 1 million de morts), cette région du monde a connu plusieurs pandémies récentes, notamment, la grippe aviaire / H5N1 en 1997 et le SRAS en 2003.

Il sera désormais préférable de prévoir contractuellement les conséquences de ces pandémies. Gageons qu’une clause ‘pandémie’ devrait prochainement s’imposer comme l’une des nombreuses boilerplate clauses présentes dans les contrats internationaux.

Irrésistibilité

Une fois le premier obstacle de l’« imprévisibilité » passé, caractériser la force majeure supposera d’établir le caractère « irrésistible » de l’évènement.

L’un des critères qui a pu être retenu est la dangerosité du virus lui-même.

À cet égard, la situation actuelle peut être comparée à l’épidémie de Dengue intervenue en Martinique en 2007 qui n’a pas été considérée comme « irrésistible » par la Cour d’appel de Nancy « car seulement 5 % de la population a été touchée et que l'on peut s'en prémunir par des mesures de protection (moustiquaires, port de vêtements longs, utilisation de répulsifs) » (CA Nancy, 22 Novembre 2010 - n° 09/00003).

Le Covid-19, en raison de son mode de transmission, du pourcentage de la population susceptible d’être affectée et des risques suffisamment étayés pour la santé, ne devrait pas soulever question sur ce point.

Pour autant, il ne suffit pas que l’épidémie rende plus difficile ou plus onéreuse 5 l’exécution d’une obligation, mais la rende impossible. De ce point de vue, la pandémie rend-elle l’exécution d’un contrat impossible à elle seule ? Rien n’est moins certain. Prenons l’exemple des magasins. Sauf cas particulier des arrêtés de fermeture, le risque sanitaire n’empêche pas leur ouverture. Bien entendu des mesures doivent être mise en place : distanciation, limitation du nombre de clients, balisage, etc. Le commerce est dégradé, pas arrêté. Le risque sanitaire rend certainement l’exécution plus onéreuse, mais rarement impossible. Des cas particuliers existent sans aucun doute mais, pour la majorité des commerces, la pandémie, seule, n’est pas un événement inévitable.

Le risque pour l’homme ne semble donc pas suffisant pour apprécier le caractère « irrésistible » de la crise. Les mesures prises par les autorités sont également, sinon surtout, à prendre en compte. 

Ces mesures, juridiquement qualifiées de « fait du prince » (interdiction des rassemblements, fermeture des magasins non indispensables à la vie de la Nation, confinement, etc.) sont évidemment de nature à empêcher l’exécution des engagements pris lorsqu’ils portent sur des activités désormais interdites ou empêchées et sans possibilité de solutions alternatives.

Concrètement, une appréciation globale de la situation de chaque acteur économique est nécessaire pour apprécier l’irrésistibilité d’un événement, c’est-à-dire un événement rendant matériellement impossible l’exécution d’un engagement. 

Ainsi, l’organisation d’événements sera touchée de manière irrésistible :

  • à compter du 4 mars pour les évènements regroupant plus de 5000 personnes
  • à compter du 9 mars pour les évènements regroupant plus de 1000 personnes
  • à compter du 14 mars pour les évènements regroupant plus de 100 personnes
  • à compter du 16 mars pour tous les autres

L’« irrésistibilité » pour acteur économique ne signifie donc pas nécessairement « irrésistibilité » pour un autre acteur économique.

C’est pourquoi la pandémie de Covid-19 ne constitue pas en soi, in abstracto, un cas de force majeure. Cette pandémie est simplement de nature à constituer un cas de force majeure dont le caractère « irrésistible » devra être apprécié au cas par cas.

Quels contrats sont concernés ?

Nous l’avons vu, il est raisonnable de penser qu’en France, la date à partir de laquelle l’actuelle pandémie est devenue prévisible est celle de la reconnaissance officielle par l’OMS de l’épidémie de coronavirus le 30 janvier dernier.

La situation actuelle est donc susceptible de constituer un cas de force majeure pour les seuls contrats soumis au droit français et conclus avant le 30 janvier 2020. Passée cette date, le caractère prévisible de l’épidémie de Covid-19 devrait faire obstacle à la reconnaissance de toute exonération de la responsabilité au titre de la force majeure 6.

Une obligation de paiement peut-elle être suspendue pour cause de force majeure ?

Les obligations de paiement font l’objet d’un traitement particulier en matière de force majeure.

La jurisprudence admet en effet plus ou moins aisément le caractère irrésistible de la force majeure en fonction de l’obligation empêchée dont il est question. 

Pour les obligations de faire, la reconnaissance d’un cas de force majeure, si les conditions sont bien évidemment remplies, soulève peu de questions. Il en va différemment en matière d’obligation de paiement. La Cour de cassation a récemment énoncé qu’une personne devant une somme d’argent et qui ne s’est pas exécutée ne peut s’exonérer en invoquant un cas de force majeure.

Des difficultés financières même sérieuses ne peuvent en effet présenter le caractère d’« irrésistibilité » nécessaire à la caractérisation d’un cas de force majeure. Des solutions alternatives existent toujours : recourir au crédit, demander des délais de grâce ou encore solliciter les mesures protectrices des procédures collectives.

Certaines décisions ont pu néanmoins admettre de manière incidente l’exonération d’une obligation monétaire. Ainsi, la force majeure a été retenue par la Cour de cassation dans le cas d’une personne placée dans l’impossibilité de tirer profit de la prestationà laquelle elle avait droit en raison d’une maladie, la libérant ainsi de l’obligation monétaire à laquelle elle était tenue en contrepartie 7, ou encore dans le cas d’une banque qui en raison d’un incident technique qualifié de force majeure n’avait pu procéder à temps à un virement convenu 8.

Une obligation de paiement ne peut donc, sauf cas très particuliers, être suspendue pour cause de force majeure.

Pour autant le débiteur d’une obligation monétaire n’est pas totalement démuni. Dans le contexte actuel, il est en effet probable que son cocontractant se trouve lui dans une situation d’empêchement tel que l’exécution de son engagement se trouve manifestement compromise.

La suspension des paiements se pose alors.

L’article 1220 du Code civil permet dans certains cas de suspendre l’exécution de son obligation, même monétaire : « Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».

La question est alors de savoir si un évènement présentant les caractéristiques de la force majeure empêchant un cocontractant de s’exécuter autorise l’autre partie à suspendre tout paiement ?

La jurisprudence a pu apporter une réponse positive à cette interrogation : la force majeure est une cause d'exonération de la responsabilité contractuelle, mais elle ne fait pas obstacle à l'exception d'inexécution ou à la résolution judiciaire 9.

Le Code civil va plus loin et autorise également la suspension de l’exécution d’une obligation « dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle ».

Le mécanisme de l’exception d’inexécution permet donc, sous certaines conditions, de suspendre a priori sa propre obligation monétaire lorsqu’il est « manifeste » que son cocontractant sera dans l’impossibilité d’exécuter son obligation.

Ainsi, il est possible de répondre à la force majeure par l’exception d’inexécution. Dans ce cas, le mécanisme ne remplit pas « une fonction coercitive, mais a un but préventif (…) et joue tant que l'obligation du partenaire est elle-même suspendue pour cause de force majeure » 10.

Le cas de force majeure affectant mon cocontractant est donc susceptible de me permettre de suspendre même a priori mon obligation de paiement.

Le recours à l’exception d’inexécution est réalisé au risque et péril de son auteur, le juge pouvant, a posteriori, contrôler l’importance et la gravité de cette inexécution.

Seule condition, la suspension du paiement doit être notifiée dans les meilleurs délais à son cocontractant.

Puis-je m’exécuter partiellement ?

Il peut être tentant pour un cocontractant placé dans l’impossibilité d’exécuter un engagement dans son intégralité à cause d'un cas de force majeure (manque de main d'œuvre, de matières premières, etc.) de procéder à une exécution partielle.

Peut-elle invoquer le cas de force majeure pour la partie inexécutée de son obligation ?

Un cas de force majeure devant revêtir un caractère insurmontable, l'exécution partielle d'une obligation peut sembler a priori risquée, car de nature à faire obstacle à cette qualification.

La réponse n'est pas explicitement prévue par l'article 1218 du Code civil. Néanmoins, plusieurs éléments permettent d'établir que la force majeure peut être caractérisée même dans le cas d'une inexécution partielle.

Tout d'abord, l'article 1351 du Code civil dispose que « l'impossibilité d'exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu'elle procède d'un cas de force majeure et qu'elle est définitive (...) ». 

La loi prévoit donc la possibilité d'une exécution partielle de l'obligation. La partie défaillante sera alors partiellement libérée de son obligation, si et seulement si, la force majeure a un caractère définitif. Rien n'est en revanche prévu dans un cas de force majeure dont les effets sont temporaires, ce qui n’est pas illogique dans la mesure où l’article 1351 du Code civil traite des impossibilités (définitives) d'exécution et non d’un cas de suspension temporaire.

Quoi qu’il en soit, l'impératif de bonne foi et de loyauté - inhérent à toute relation contractuelle - commande à la partie qui en a la possibilité d'exécuter son obligation, même en partie, dès lors qu'elle n'en est pas empêchée. 

En réalité, c’est l’inexécution totale qui risquerait de faire obstacle à la qualification de force majeure puisque, pour partie au moins, la partie défaillante ne serait pas placée dans une situation insurmontable.

La partie défaillante se trouve donc, dans la mesure du possible, dans l'obligation de s'exécuter partiellement.

L’exécution partielle d'une obligation n'est pas de nature à remettre en cause la caractérisation de la force majeure pour la partie inexécutée de l'obligation. 

Opposer la force majeure, un pari risqué ?

En temps normal, opposer la force majeure constitue bien souvent un pari motivé par des raisons réelles mais un pari tout de même tant son appréciation est aléatoire en cas de contestation. 

Les décisions judiciaires sont en effet bien souvent peu éclairantes et surtout non généralisables. 

Un véritable risque pèse donc sur la partie contrainte d’opposer la force majeure pour être libérée, temporairement ou définitivement, de ses obligations. 

Mais la période actuelle est, au sens littéral, extraordinaire. 

Pour faire face à la situation, plusieurs ordonnances ont dû être prises pour adapter le droit à cette période de crise. L’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire nous permet de reconsidérer totalement le risque inhérent au mécanisme de la force majeure. 

Aux termes de son article 4, les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris court ou produit effet, si ce délai prend fin pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. 

Surtout, ces astreintes et ces clauses ne produiront leurs effets qu’à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme. 

Autrement dit, les mécanismes de protection visant à sanctionner le débiteur défaillant sont actuellement suspendus et toute défaillance est régularisable jusqu’à un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. 

Dans l’immédiat arguer de la force majeure présente donc un risque tout relatif.

Cette protection est cependant toute temporaire mais offre du temps au débiteur empêché, temps qui lui permettra, entre autres, d’apprécier précisément sa propre situation au regard des critères de la force majeure.

1 - Discours de Bruno Le Maire, ministre de l'Économie et des Finances du 28 février 2020

2 - Discours de Bruno Le Maire, ministre de l'Économie et des Finances du 3 mars 2020

3 - Article 1218 du Code civil issu de l'ordonnance n] 2016-131 du 10 février 2016

4 - Muriel Fabre-Magnan, Droit des obligations, Thémis, p. 715

5 - Civ. 9 janv. 1856, DP 1856, 1, 33

6 - Cass. Com. 6 sept. 2014, n°13-20.306

7 - Cass. Civ. 1ère, 10 fév. 1998, n°96-13.316

8 - Cass. Civ. 3ème, 17 fév. 2010, n°08-20.943

9 - Cass. civ., 14 avr. 1891 : DP 1891, I, p. 329, note M. Planiol cité par M. Storck, Fasc. Unique : Contrat – Inexécution du contrat, Exception d’inexécution, Jurisclasseur Civil Code, 4 mai 2017, n°40

10 - M. Storck (voir supra) citant P.- H. Antonmattei, Contribution à l'étude de la force majeure : LGDJ, 1992, n° 318, p. 224

 

Pierre-Mudet

Pierre Mudet

Associé

Pierre Mudet intervient principalement dans les domaines du droit boursier, des fusions-acquisitions et du droit des sociétés auprès d’une clientèle de sociétés cotées et non cotées dans le cadre d’opérations nationales et internationales.

Il conseille des groupes industriels, des banques, des fonds d’investissement et des sociétés innovantes dans le secteur des nouvelles technologies.