Par Pierre Mudet, associé cabinet Ginestie Magellan Paley-Vincent
Article reproduit avec l’aimable autorisation de la Lettre des Juristes d’Affaires
Le regain d’intérêt pour les entreprises familiales s’explique par l’augmentation des transmissions intergénérationnelles. Mais pas uniquement.
Dans un monde économique en pleine mutation, aux repères traditionnels remis en cause, faisant face à une urgence environnementale croissante et à une crise sanitaire sans précédent, les entreprises familiales présentent pérennité, résilience et responsabilité. S’ajoute bien souvent une mission ou rôle particulier répondant à la recherche croissante de sens des collaborateurs et des clients. Dans ce contexte, le caractère familial d’une entreprise est devenu un véritable atout.
Encore faut-il s’entendre sur l’appellation d’entreprise familiale.
Un critère essentiel : diriger ou être en mesure de nommer les dirigeants. De là, une distinction peut être opérée entre les sociétés à intérêt familial, à contrôle familial et à culture familiale. Concrètement, un groupe familial nomme les dirigeants des premières, exerce effectivement le contrôle des deuxièmes et imprime une culture familiale sur les troisièmes. Quel que soit le type d’entreprise, le développement naturel des générations conduit à une évolution exponentielle du groupe familial. Inéluctablement, une transition s’opère. D’une confusion de trois cercles (famille, actionnaires et entreprise) à une distinction progressive imposant, au fil du temps, la structuration d’une gouvernance plus ou moins complexe.
Guidelines d’une bonne gouvernance
Quels que soient les moyens utilisés, la gouvernance doit, pour assurer la pérennité du groupe familial, respecter impérativement quatre principes. Oublier les branches pour sortir des divisions intrafamiliales et ne connaître que les membres d’une famille. Sortir du huis clos par la recherche de personnes extérieures (indépendants, référents, experts, etc.). Permettre l’émergence de talents, c’est-à-dire déceler les talents qu’il faut, au moment où il faut, sur des critères méritocratiques. Organiser la gestion de la famille elle-même en assurant une implication constante des membres dans des réunions régulières, par une information loyale et une prise de décision consensuelle.
L’ouverture du capital
Même à caractère familial, une société n’échappe pas à cette problématique.Le risque de dilution existe. Mais maitrisé, l’entrée de minoritaires peut être un avantage. Il s’agit d’offrir des possibilités de croissance pour l’entreprise et une liquidité aux membres de la famille. Cette respiration est essentielle pour les membres qui, pour un projet personnel ou professionnel autre, n’ont pas vocation à rester au capital. Les en empêcher, nuit au bon fonctionnement du groupe. Pour cela, des fonds de remboursement ou des bourses familiales permettent de dépersonnaliser l’opération de sortie en mutualisant son financement. Une autre solution a priori contre intuitive consiste à recourir à la cotation des titres de l’entreprise. Les exemples sont nombreux d’entreprises cotées ayant parfaitement réussi à conserver leur caractère familial. Cette option présente l’avantage majeur d’une objectivisation du prix par le marché et la vente d’actions en dehors de la famille, sans les contraintes liées à l’entrée d’investisseurs privés.
L’opportunité des commandites
Du pacte Dutreil au fonds de pérennité de la loi Pacte, différents mécanismes ont été introduits dans notre droit. À l’étude néanmoins, un outil ancien s’avère d’une efficacité redoutable : les commandites. Ces sociétés reposent sur une dichotomie entre le contrôle du capital et celui de la gestion. La distinction offre des possibilités infinies pour rassembler les membres d’une famille ayant vocation à intervenir dans la gestion et ceux plus passifs. Les commandites permettent également une ouverture contrôlée et organisée du capital à un tiers : extraire le contrôle de la direction du contrôle capitalistique offre la possibilité de garantir sur le long terme, un contrôle familial. Nombre de groupes familiaux ont fait ce choix.
Pierre Mudet
Associé
Pierre Mudet intervient principalement dans les domaines du droit boursier, des fusions-acquisitions et du droit des sociétés auprès d’une clientèle de sociétés cotées et non cotées dans le cadre d’opérations nationales et internationales.
Il conseille des groupes industriels, des banques, des fonds d’investissement et des sociétés innovantes dans le secteur des nouvelles technologies.