Par Marine Vanhoucke
Alors que sont attendus en juin les premiers délibérés de la Cour d’Appel de Paris en matière de devoir de vigilance, le Parlement Européen a approuvé le 24 avril dernier la directive CSDDD allant au-delà de ce que prévoit actuellement le droit français.
La loi française n° 2017-399 du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance, pionnière instaure l’obligation pour les sociétés de plus de 5.000 salariés dont le siège est en France et celles de plus de 10.000 salariés dont le siège est à l’étranger, d’établir un plan de vigilance. Celui-ci vise à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves aux droits humains ainsi qu’aux libertés fondamentales, à la santé et la sécurité des personnes ainsi qu’à l'environnement. L’établissement de ce plan passe par la réalisation d’une cartographie des risques, la mise en place de procédures d’évaluation des filiales et partenaires, des actions d’atténuation des risques et un mécanisme d’alerte et de signalement des risques.
Si la jurisprudence relative à cette obligation demeure quasiment inexistante, sa construction a débuté puisque La Poste s’est vue condamnée en décembre 2023 pour manquement à son devoir de vigilance du fait de sa cartographie des risques considérée comme trop imprécise.
Par ailleurs, été annoncée en janvier dernier la création d’une « chambre des contentieux émergents – devoir de vigilance et responsabilité écologique » à la Cour d’appel de Paris (chambre 5-12). Tel qu’évoqué ci-dessus, celle-ci rendra le 18 juin prochain son délibéré dans trois dossiers concernant TotalEnergies, Suez et EDF.
En parallèle de cette évolution nationale, la Directive CSRD applicable depuis janvier dernier encadre désormais le reporting de durabilité extra financier des entreprises.
La nouvelle directive européenne CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) vise, la gouvernance des sociétés. Une entrée en application progressive est prévue, comprise entre 3 et 5 ans selon la taille des entreprises :
Champ d’application |
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Entreprises et sociétés mères : > 1 000 personnes et > 450 millions d’€ de chiffre d’affaires
Et franchises dans l’UE : Chiffre d’affaires > 80 millions d’€ et si au moins 22,5 millions d’€ ont été générés par des redevances.
Entreprises, sociétés mères et franchises des pays tiers atteignant les mêmes seuils. |
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Entrée en vigueur |
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2027 |
> 5 000 salariés > 150 millions d’€ de chiffre d’affaires |
2028 |
> 3 000 salariés > 900 millions d’€ de chiffre d’affaires |
2029 |
Toutes les entreprises relevant du champ d’application de la directive et celles : > 1 000 salariés > 450 millions d’€ de chiffre d’affaires mondial |
Cette directive impose aux entreprises une obligation de « diligence raisonnable » afin d’atténuer risques aux droits humains et environnementaux.
Les entreprises assujetties devront mettre en place des systèmes visant à identifier, prévenir, atténuer et remédier aux atteintes aux droits de l’hommes et à l’environnement résultant de leurs propres activités ainsi que de celles de leurs partenaires commerciaux.
Dans une logique de prévention, elles devront adopter des politiques générales, des codes de conduites, un plan de vigilance et revoir les clauses des contrats encadrant les relations avec leurs sous-traitants et fournisseurs. Elles prévoiront des mécanismes de plaintes permettant de signaler les violations des droits humains ou environnementaux ou le risques d’atteintes à ces derniers.
En cas de non-respect de ces nouvelles obligations, et notamment en l’absence de plan de vigilance, les entreprises s’exposeront à ce que leur responsabilité soit engagée et à une condamnation à une amende dont le montant pourra atteindre 5% du chiffre d’affaires net mondial.
Le devoir de vigilance peut constituer une opportunité réelle pour l’entreprise, son développement, c’est un défi à relever qui peut être porteur de sens.
A l’heure de la judiciarisation du devoir de vigilance et du durcissement de l’arsenal législatif en la matière, la durabilité constitue désormais un sujet inévitable pour toutes les entreprises et leur mise en conformité un défi réel.
Marine Vanhoucke
Associée
Marine Vanhoucke conseille les entreprises en matière de Propriété Intellectuelle et les accompagne sur leurs sujets de Conformité.
Elle assiste les sociétés françaises dans leur implantation et croissance en Asie et a construit une expertise des questions juridiques de droit international, mêlant notamment des intérêts français et asiatiques.