Par Nathalie Boudet-Gizardin, associée et Louise Buffet.
Dans un article du 10 janvier 2022[1], nous vous avions exposé que la première chambre civile de la Cour de cassation s’était enfin alignée sur la position de la chambre criminelle et du Conseil d’Etat concernant la fin du monopole des médecins en matière d’épilation à la lumière pulsée, sans prendre position concernant les actes d’épilation laser.
Pour rappel, si l’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962 réservait la pratique de l’épilation au laser ou à la lumière pulsée aux seuls médecins, cet article avait été déclaré contraire au droit européen, d’abord par la CJUE puis par le Conseil d’Etat[2].
La Cour de cassation[3] avait suivi mais seulement partiellement cette position en retenant que l’interdiction de l’épilation à la lumière pulsée par des personnes autres que des médecins était contraire aux dispositions en cause du TFUE, mais sans se prononcer sur l’épilation au laser.
Dans son arrêt du 20 octobre 2020[4] confirmant sa position, la chambre criminelle de la cour de cassation avait avancé au soutien de sa décision de relaxe des prévenus pour exercice illégal de la médecine que le gouvernement avait « notifié à la Commission européenne un projet de décret ouvrant la pratique de l’épilation à la lumière pulsée aux esthéticiens sous certaines conditions de formation ».
Le doute demeurait donc toutefois concernant le maintien du monopole des médecins en matière d’épilation au laser.
Par la publication du décret n°2024-470 du 24 mai 2024 relatif aux actes d’épilation à la lumière pulsée intense et au laser à visée non thérapeutique, la position du droit français vient d’être uniformisée concernant les deux techniques d’épilation définitive en mettant fin au monopole des médecins dans les deux cas.
Ce décret crée un nouvel article D. 1151-2 au sein du Code de la santé publique disposant que ne peuvent réaliser les actes mentionnés à l’article D. 1151-1 du même code, à savoir les « actes d’épilation à visée non thérapeutique réalisés par des professionnels sur des consommateurs au moyen d’appareils d’épilation à la lumière pulsée intense ou d’appareils laser à visée non thérapeutique », que des personnes ayant la qualité de :
1° Médecin ;
2° Infirmier diplômé d’Etat ;
3° Personne qualifiée professionnellement pour exercer l’activité mentionnée au 5° de l’article L121-1 du code de l’artisanat.
Ce 3° renvoie aux personnes qualifiées pour réaliser des « soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux et les modelages esthétiques de confort sans finalité médicale ».
Il n’y a donc plus de doute : les professionnels de l’esthétique peuvent, au même titre que les médecins et les infirmiers, pratiquer des épilations à la lumière pulsée comme au laser, à condition d’avoir suivi une formation à la réalisation de ces actes dans des conditions propres à assurer la sécurité des consommateurs (nouvel article D. 1151-3 CSP).
Le contenu, les modalités des formations et leurs fréquences seront prochainement fixés par un arrêté ministériel.
Le décret du 24 mai 2024 comporte également de nombreuses obligations à la charge du professionnel (information des consommateurs, vérification des contre-indications, et signalement des effets indésirables) ou de l’exploitant de l’établissement (affichage d’un avertissement à destination du public).
A lire donc attentivement !
[1] « Les centres d’épilation laser continuent de faire parler d’eux » par Nathalie BOUDET-GIZARDIN et Mathilde JANNET
[2] CE, 1-4 ch., 8 nov. 2019 n°424954
[3] Crim. 31 mars 2020, n°19-85.121 et Civ. 1e, 19 mai 2021 n°19-25.749
[4] n°19-86.718
Nathalie Boudet-Gizardin
Associée
Nathalie Boudet-Gizardin a développé une expertise dans le conseil et l’assistance des professionnels de santé (médecins, pharmaciens, biologistes, vétérinaires, chirurgiens-dentistes, sages-femmes), tant pour structurer juridiquement leur activité et négocier leurs contrats et partenariats avec des établissements de santé.