DOSSIER MEDICAL : LE DROIT DU PATIENT À LA RECTIFICATION OU À L’EFFACEMENT DE SES DONNÉES
Par Catherine Paley-Vincent, Avocat associée et Camille Faour, Avocat
Les obligations du médecin
Depuis l’entrée en vigueur du RGPD (Règlement Général sur la Protection des données) le 25 mai 2018 et transposé en droit français par la loi du 20 juin 20181, bon nombre de médecins sont destinataires de demandes de leurs patients souhaitant voir rectifier ou effacer certaines données de leur dossier médical.
Que la collecte de données personnelles soit réalisée sur un logiciel informatique ou dans un dossier papier, dans un cabinet libéral, un établissement de santé public ou privé ou dans un service de médecine du travail, le médecin est tenu de collecter et de conserver ces données de manière loyale et licite. Celles-ci doivent être adéquates, pertinentes et non excessives pour exercer son activité de prévention, de diagnostic et de soins et pour une durée qui n’excède pas celle nécessaire à l’usage qu’il en fait. En ce, il agit comme un « responsable de traitement » au sens de la loi 2 3.
Les droits des patients
Si le patient dispose d’un droit d’accès à son dossier médical4, il doit pouvoir demander à son médecin d’en rectifier le contenu en cas d’erreur, voire dans certains cas d’effacer les données indiquées par le médecin.
En effet, une demande de rectification ou d’effacement des données de santé ne peut être satisfaite que si ces données sont :
- inexactes,
- incomplètes,
- équivoques,
- périmées,
- ou si leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur conservation, est interdite5.
Ainsi, le patient dispose d’un droit fondamental lui permettant de s’assurer que les données à caractère personnel le concernant sont exactes, complètes et si, nécessaire actualisées.
En ce sens, le médecin doit être particulièrement attentif à vérifier l’exactitude et la pertinence des données à caractère personnel et de santé qu’il rédige et conserve dans le dossier patient.
Le droit de rectification
Le patient a le droit d’obtenir du « responsable de traitement », dans les meilleurs délais, la rectification des données à caractère personnel inexactes ou qui devraient être complétées, y compris en fournissant au médecin une déclaration complémentaire6.
Quelles sont les données personnelles concernées par ce droit ?
Il ne faut pas s’y méprendre ! Les informations contenues dans le dossier médical ne peuvent pas toutes faire l’objet d’une rectification.
Seules les erreurs objectives, factuelles et manifestes peuvent faire l’objet d’une modification.
C’est le cas par exemple d’une erreur orthographique dans le nom du patient, dans l’enregistrement de son groupe sanguin ou encore affectant son numéro de sécurité sociale.
De la même façon, le patient peut obtenir la rectification des données inexactes ou incomplètes tenant à son âge, son adresse de courriel, son adresse postale, le numéro de son appartement, voire demander à ce que soit modifiée la mention qui ferait état d’une blessure au genou gauche plutôt qu’au genou droit.
En revanche, le droit de rectification n’est pas destiné à permettre de contester un diagnostic médical qui résulte d’une appréciation professionnelle du praticien.
En effet, les opinions médicales, les interprétations, les données nécessaires aux fins de diagnostics médicaux relevées par le médecin lors de sa consultation ne sauraient faire l’objet d’une quelconque modification.
Comment apprécier la nécessité de rectifier ou non une donnée personnelle ?
Confrontée à une demande de rectification d’une donnée personnelle par son patient, le médecin doit en apprécier, l’éventuel caractère inexact ou incomplet.
Si la demande de rectification concerne des contestations liées au diagnostic qu’il a posé, seul le médecin concerné pourra apprécier cette demande et le cas échéant, laisser sans suite. Si le praticien décide d’y faire droit, il lui est alors recommandé d’en laisser une trace écrite et explicative dans le dossier de son patient.
En tout état de cause, le médecin doit agir en conscience.
Le droit à l’effacement
Le patient peut également demander à son médecin d’effacer ses données personnelles mais, là encore, à certaines conditions7.
Dans quelles mesures le patient peut-il se prévaloir de ce droit ?
Si un tel droit existe dans certains cas strictement circonscrits8, il est cependant écarté concernant les données de santé figurant dans le dossier médical.
Autrement dit, la possibilité d’effacer des données de santé est restreinte et limitée aux obligations légales auxquelles le médecin demeure soumis, l’accès pour le patient à son dossier médical, la conservation des dossiers médicaux9 ou encore le secret professionnel.
On comprend aisément que le traitement et la conservation des données de santé soient nécessaires pour permettre au médecin d’assurer la prise en charge effective du patient, la dispense de soins et la continuité de ceux-ci.
L’exception : celui du motif légitime invoqué par le patient
En revanche et par exception, il a été consenti la possibilité pour un patient de voir effacer certaines données de santé en raison d’un « motif légitime ».
La CNIL a ainsi admis comme légitime, la demande d’un patient hospitalisé aux Hospices Civils de Lyon qui sollicitait l’effacement d’informations relatives à ses différentes hospitalisations et aux traitements qu’il suivait, conservés dans le logiciel informatique. Atteint d’une affection qu’il ne souhaitait pas révéler à son entourage et ayant appris qu’un membre de sa famille, médecin, était amené à occuper un poste à l’hôpital, il craignait que la consultation du logiciel informatique permette à son parent de connaître sa pathologie10.
Ce cas demeure toutefois tout à fait exceptionnel et ne doit pas s’entendre comme une généralité.
Dans une telle hypothèse, il est recommandé au médecin de conserver la mention de cette suppression dans son dossier.
Quels recours pour le patient ?
En cas de réponse jugée insatisfaisante par le patient ou en cas de désaccord, ce dernier dispose de la possibilité de saisir le juge ou de formuler une réclamation auprès de la CNIL.
Si le droit du patient à demander une rectification ou une suppression du dossier tenu par son médecin, existe bien, il est strictement encadré et limité.
1 - Loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles
2 - Loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles
3 - Voir en ce sens notre précédent article du 7 février 2019 « Newsflash – Décryptage du RGPD applicable aux médecins » : https://ginestie.com/newsflash-decryptage-du-rgpd-applicable-aux-medecins/
4 - Conformément à l’article L. 1111-7 du Code de la santé publique
5 - L’article 40 de la loi n° 78-17 modifiée du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés prévoit que les données personnelles du patient doivent pouvoir être rectifiées, complétées, mise à jour, verrouillées ou même effacées lorsqu’elles sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation, est interdite.
6 - Article 16 du Règlement Général sur la protection des données.
7 - Article 17 du Règlement Général sur la protection des données.
8 - Article 17 du Règlement Général sur la protection des données : (a) Les données à caractère personnel ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées d’une autre manière ; (b) La personne concernée retire le consentement sur lequel est fondé le traitement, et il n’existe pas d’autre fondement juridique au traitement ; (c) La personne concernée s’oppose au traitement et il n’existe pas de motif légitime impérieux pour le traitement ; (d) Les données à caractère personnel ont fait l’objet d’un traitement illicite ; (e) Les données à caractère personnel doivent être effacées pour respecter une obligation légale ; (f) Les données à caractère personnel ont été collectées dans le cadre de l’offre de services de la société de l’information aux mineurs.
9 - Le CNOM préconise au médecin libéral de s’aligner sur les délais prévus pour la conservation des dossiers médicaux des établissements de santé prévus à l’article R. 1112-7 du Code de la santé publique, soit en substance, vingt ans.
Catherine Paley-Vincent
Associée
Expert reconnu en droit de la santé, elle intervient notamment pour la constitution et le suivi de structures entre professionnels de santé hospitaliers et/ou libéraux, pour la gestion des conflits éventuels et de leurs suites transactionnelles, judiciaires ou disciplinaires. Le domaine de l’Imagerie médicale lui est particulièrement familier.
Elle conseille des laboratoires pharmaceutiques en matière de dispositifs médicaux, d’étiquetage et d’essais cliniques.
Elle est régulièrement consultée sur l’application de la déontologie, notamment en matière de réglementation des Ordres professionnels de réseaux, de publicité et d’internet utilisé dans le monde médical et vétérinaire.